Les coraux de feu.
Introduction
Les Hydrozoaires (Huxley, 1858) de la famille des Milleporidae (Fleming, 1828), populairement connu sous le nom de coraux de feu, n'appartiennent qu'à un seul genre,
Millepora Linnaeus, 1758. Ces animaux appartiennent à l'embranchement des Cnidaires et au sous-embranchement des Medusozoa en raison de la présence de méduses dans leur cycle vital (Hickson, 1899). Les Millépores se reproduisent en effet sexuellement par l'intermédiaire de méduse. Les Hydrozoaires ont une organisation primitive : leur corps, est fait des deux feuillets primitifs, l'ectoderme et l'endoderme, séparés par une substance amorphe, la mésoglée, contenant des cellules émigrées (ce sont donc des diploblastiques) ; ils n'ont pas encore de cavité générale (ils sont acœlomates). Les Hydrozoaires se présentent sous deux formes, l'une fixée (le polype), l'autre libre (la méduse). Les polypes qu'ils arborent sont très urticants et occasionnent des brûlures superficielles de la peau, d'où le nom vernaculaire de "coraux de feu".
Comme les Scléractinaires ce sont des organismes constructeurs de récifs. A ce titre, ils sont très importants sur les récifs coralliens, particulièrement abondant sur les zones de déferlements (Bouchon, 1978).
Les Millépores sont présents sur tous les récifs de coraux de toutes les mers tropicales (Lewis, 2006) et peuvent être rencontrés de 1 à 40 m de profondeur (Boschma, 1948). Ils sont en revanche plus communs dans les zones peu profondes car les zooxanthelles qu'ils hébergent nécessitent un fort éclairement pour effectuer la photosynthèse (Boschma, 1948).
Généralités sur les Millépores
Les polypes des
Millepora groupés en colonies, montrent un certain polymorphisme, et on distingue des polypes nourriciers, reproducteurs et servant à la défense ; ces derniers sont armés de nombreuses cellules urticantes (cnidocystes ou nématocystes).
Les colonies de polypes secrètent du calcium pour la construction du squelette. Celui-ci se nomme cœnosteum et est constitué de trabecules calcaires formant une maille. Les colonies peuvent être encroûtantes ou branchues et atteindre une taille considérable (Boschma, 1948).
Les Millepora diffèrent des Scleractiniares, Anthozoaires constructeur de récif, par l'absence de corallites et la présence de petits pores dispersés sur le coenosteum. Il existe deux types de pores, les gastropores et les dactylopores. Les gastropores arborent de court gastrozooides, polypes nourriciers, portant des tentacules en capitations contenant des amas de nématocystes.
Les dactylopores contiennent de long dactylozooides sur lesquels sont dispersés des capitations, utilisés pour la capture d'aliments et la défense. Très souvent, les gastropores et les dactylopores sont arrangés en cyclosystèmes, composés d'un seul gastropore entouré généralement de cinq à sept dactylopores. Par ailleurs, il existe des espèces qui ne présentent pas cette morphologie caractéristique (Boschma, 1948).
Le polype peut se reproduire sexuellement et asexuellement (Lewis, 2006). Les deux régimes de reproduction se succèdent alternativement car seule la méduse est sexuée. La reproduction asexuée s'effectue par différents modes au cours desquels les colonies de Millépores augmentent en taille ; de nouveaux polypes sont alors formés. Le premier mode est accompli par croissance sympodiale : production de nouveau squelette et de tissus sain le long d'un bord croissant ou d'un bout de branche ; ceci est accompli également pour le rattachement, la régénération, et la réparation des fragments de colonies endommagé ou cassées (Lewis, 1991). Les millépores ont un fort taux de croissance et peuvent tolérer un certain dégrée de fragmentation (Rinkevich et Loya, 1983). En Israël et en Egypte, M. dichotoma est l'espèce constructrice de récifs qui subit le plus de rupture de branche (Riegl et Velimirov, 1991). Les encroûtements simples grandissent par croissance stolonale (Meroz-Fine et al, 2003).
La reproduction sexuée des millépores se fait à partir de la phase polype sessile par bourgeonnement de médusoïdes planctoniques. Les médusoïdes de millépores ont été décrits pour la première fois à la fin du 19ème siècle (Hickson, 1899). Ils bourgeonnent au milieu des tubules du coenosarc, à l'intérieur d'ampullae dans le coenosteum (Lewis, 2006). Les médusoïdes sont libérés par la colonie à maturité sexuelle et se désagrègent dès la ponte des cellules sexuelles (Soong & Cho, 1998) après avoir passés un court temps dans le plancton au cours duquel ils assurent une faible dispersion. Quatre amas de nématocystes entourent l'ouverture de la cavité de l'ombrelle (Lewis, 2006).
Les colonies de Millepora sont gonochoriques et la reproduction sexuée est saisonnière, commençant avec l'apparition d'ampullae et la sortie de médusoïdes en avril et mai à Taiwan, entre avril et juillet à Barbados et de juin à mars à Curacao (Lewis, 2006). Les ampullae sont reconnaissables par de petites ampoules blanches sur la surface de colonies. Ce sont des cavités légèrement concaves et couvertes d'un réseau dense de trabecules, qui contiennent le médusoïde se développant. Les formes d'ampullae peuvent être variables (Boschma, 1949). Au fur et à mesure que le médusoïde grandit dans la cavité, la couverture de trabeculae commence à se désagréger. Juste avant la sortie des médusoïdes, les ampullae apparaissent comme gonflées (arrondies par les restes des trabeculae). Après la libération du médusoïde, il reste une cavité vide, qui par la suite se remplit par régénération du squelette (Lewis, 1991b, 2006). Les médusoïdes s'échappent des ampullae au moyen de pulsations de l'ombrelle et nagent pendant une courte période pendant laquelle les gamètes sont relâchés dans le milieu. Trois à cinq ovocytes sont émis par pulsations de l'ombrelle, puis les médusoïdes femelles tombent au fond. Le médusoïde mâle peut rester actif pendant 6-12 h après l'émission du sperme. Une synchronisation de sortie des médusoïdes entre les colonies à été observée, mais il n'y a aucune preuve de corrélation avec les cycles lunaires (Soong & Cho, 1998).
L'émission de médusoïdes commence dès la tombée de la nuit et continue pendant plusieurs heures.
Les colonies mâles commencent le lâcher avant les colonies femelles. Il apparaît que les dates de fraye des différentes espèces sont différentes, empêchant ainsi une hybridation possible comme celle rencontrée chez quelques Scléractinaires. Les médusoïdes se concentrent en surface ; il est suggéré que ce phénomène soit dû à un geotaxisme négatif (réponse négative de l'attraction terrestre). Le modèle de reproduction sexué Taiwanais décrit par Soong et Cho (1998) montre que la reproduction sexuée s'effectue au printemps de l'hémisphère nord (mai - juin) lors de la remontée des températures.
Les Millepora en aquarium
Millepora s'adapte à tous les éclairements mais pousse plus vite sous lumière vive. Les mouvements de l'eau sont le facteur principal affectant la rapidité de croissance. Un éclairage intense et un fort courant permettent de maintenir des
Millepora dans les meilleures conditions et ainsi observer des taux de croissance spectaculaire, avec une formation et un développement rapide des rameaux et des lames encroûtantes qui rayonnent depuis le point d'attache du pied avec la roche, ce qui peut les rendre difficiles à contrôler. Il est facilement multiplié en aquarium par bouturage de fragments (Delbeek & Sprung, 1997).
Cependant, en aquarium, les polypes ne sont que rarement sortis, c'est pourquoi il peut être difficile de vérifier l'état de santé d'un spécimen (obs. personnelle). L'absence de croissance ou le blanchissement sont des signes reflétant la mauvaise santé d'un individu. Un changement de couleur traduit un stress dû à un éclairement mal adapté ou à une modification trop rapide de l'éclairage et de la qualité de l'eau. Parce qu'ils possèdent des zooxanthelles, une acclimatation appropriée est aussi importante avec ces hydrozoaires qu'avec n'importe quel corail scléractiniare (Borneman, 2002).
En d'autres termes, les Millepora doivent bénéficier des mêmes conditions de maintenance que les coraux durs.
Les Millepora sont souvent les Cnidaires hermatypiques dominants et abondant sur les zones de déferlements, facilement propagés par fragmentation. Le prélèvement de petites colonies ou de fragments n'a que très peu d'impact sur les populations sauvages.
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Sitographie
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Bibliographique transmise par Flavescen
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